
C’était un mardi, le 8 décembre 2020. Il était 22h15 quand le téléphone a sonné. Un numéro inconnu. Par réflexe, j’ai failli ignorer l’appel. Mais, pour une raison qui m’échappe encore, j’ai décroché. Agacé, un peu sec, j’ai simplement dit : « Allô ? »
Et là, une voix… Cette voix. Grave, râpeuse, marquée par des années de fumée et de nuits blanches, mais étonnamment familière. Une voix qui portait une présence. Une voix vivante me répond :
– Allô, c’est Ziad Rahbani. J’espère que je ne te dérange pas.
Non, Ziad. Tu ne m’as pas dérangé. Tu ne m’as jamais dérangé. Ce soir-là, comme d’autres, tu m’as parlé avec cette humanité qui te définissait et qui te rendait unique. Tu m’as parlé de musique, de ces années envolées, de Bassam Saba… avec cette mémoire blessée. Tu m’as raconté, simplement, sans détour, comme tu savais le faire. Et moi, je me souviens. Je me souviendrai toujours. Ce que tu m’as dit ce soir-là, je le raconterai. Je le partagerai. Un jour. Il le faudra. Parce que ces paroles comptent. Parce que ton histoire compte.
Mais pas aujourd’hui. Aujourd’hui, les mots se taisent. Aujourd’hui, seul le silence peut porter le poids de ton absence. Il n’y a pas de place pour les récits, les analyses et les hommages savants. Il n’y a que la douleur d’un adieu.
L’histoire se racontera. Ton histoire, ton sarcasme, tes combats, ta musique et, surtout, ta voix. Cette voix. Un jour, je les graverai dans les mots comme tu les as gravés dans nos vies.
Mais pas aujourd’hui.
Aujourd’hui, je me tais avec toi.
MOTS-CLÉS
