Philharmonie de Paris, 6 novembre 2025 | András Schiff, Orchestre philharmonique d’Israël, dir. : Lahav Shani
BEETHOVEN, Concerto pour piano en mi bémol majeur n° 5 op. 73, « L’Empereur » ; TCHAÏKOVSKY, Symphonie n° 5

De ce concert du 6 novembre 2025 d’András Schiff et de l’Orchestre philharmonique d’Israël dirigé par Lehav Shani à la Philharmonie de Paris, on retiendra sans conteste avant toute chose les circonstances effrayantes, par lesquelles une poignée d’extrémistes ont fait en sorte de perturber la tenue d’un merveilleux moment de musique. Sous le prétexte de la politique étrangère de l’État d’Israël, l’orchestre a été pour un soir essentialisé, insulté et mis en danger comme les milliers de spectateurs parisiens venus l’applaudir. On retiendra aussi qu’envers et contre tout, ces musiciens ont décidé d’aller au bout de leur sacerdoce, en menant le concert à son terme, après avoir été interrompu à quatre reprises par des manifestations de violence. Aller au bout de la grande beauté dont furent les intermédiaires ce soir-là le pianiste, l’orchestre et son chef restera une leçon éthique en des temps d’abdication face à l’obscurantisme.
L’orchestre philharmonique de la dignité
Les événements tout d’abord et ce qu’ils enseignent, avant d’en venir à la musique. Le concert était encadré par de très importantes forces de polices. Toute l’Avenue Jean Jaurès était remplie d’environ 80 fourgons de CRS, l’entrée de la Philharmonie idem, quadrillée par les forces de police. La salle était également remplie de policiers et de membres des services de sécurité. Les fouilles d’usage à l’entrée (simplement avec détecteur de métaux : pas de fouilles corporelles), parapluies et autres canettes déposées à l’entrée. Quelque vingt minutes environ après le début de l’Allegro initial somptueusement déployé par un András Schiff des grands jours, une femme se lève du premier balcon, vociférant « Israël assassin ». Concert stoppé, le temps pour la sécurité de l’évacuer. Le concert reprend, à la mesure même où il s’était interrompu. Vingt minutes plus tard, un homme se lève toujours du premier balcon aux cris inaudibles, un fumigène à la main. De violents heurts interviennent entre des gens du public qui se jettent sur lui, avant que la sécurité n’intervienne. Peu avant, il avait jeté un projectile sur les musiciens, qui sont alors évacués en coulisses, avec András Schiff. Les hurlements du public couvent les vociférations de l’homme qui est exfiltré. Le concert reprend, dans une grande agitation et une fumée qui s’épaissit à l’intérieur de la salle. L’orchestre revient sur scène, très très très abondamment applaudi. Le concert reprend donc, aux alentours de la mesure interrompue. Et quelques minutes plus tard, troisième interruption, un autre homme avec fumigène, très agité, échappe à des gens du public qui tentent de l’arrêter, des membres de la sécurité interviennent, au milieu des coups échangés entre l’homme et le public. L’homme hurle des mots incompréhensibles. C’est une femme qui parvient à le mettre par terre, lui asséner pas mal de coups de poings et à éteindre le fumigène. Elle est longuement applaudie, mais la lenteur de l’intervention des forces de sécurité génère des vociférations dans le public, qui crie à la complicité. L’orchestre sort à nouveau. Et revient environ dix minutes plus tard et reprend l’intégralité du premier mouvement. Le concert ne sera plus interrompu dès lors.
András Schiff aura traversé tout cela avec la dignité qui sied à son rang de « Sir András ». Imperturbable. L’orchestre et lui sont plébiscités. La deuxième partie livrera l’une des plus puissantes versions de la Cinquième de Tchaïkovski qu’il m’ait été donné d’entendre sur scène. Nous sommes en 2025. Dix ans après des attentats islamistes qui avaient fait environs 186 morts. Aujourd’hui en France, dans le contexte de résurgence inédite d’un antisémitisme délirant, être juif, c’est être un « génocidaire ». Une femme d’un certain âge, à ma droite, de toute évidence effrayée, s’adresse à moi et me demande « Comment a-t-on pu laisser passer des gens avec des fumigènes ? » Nous discutons. Elle me dit être effrayée par les cris horribles de ces gens qui, oui, étaient dans un état de rage à peine imaginable, en vociférant leur haine d’un pays qui est pour eux le synonyme du mal. Je lui explique que l’antisémitisme, c’est ça : une rage que nul ne peut extirper. Un homme jeune, juste devant, me regarde avec un sourire triste. Les Juifs aujourd’hui en France sont laissés seuls face à la violence de la haine décomplexée. Il y aura encore bien des commentaires, inutiles et utiles, beaucoup de blabla comme d’habitude. Mais je connais ce sourire triste des Juifs qui se sentent seuls, je l’ai connu dans mon enfance, quand j’ai vu de mes yeux un de mes camarades de classe battu par un prof le traitant de sale juif – avant de se prendre lui-même une raclée de krav-maga que jamais il n’oublia, avant d’être cassé de l’Éducation nationale. Cet enfant, qui était mon camarade de classe, qui se prénommait David, faisait partie d’un groupe de plusieurs enfants juifs venus directement d’Israël vers la Martinique, avec leurs parents, qui s’y sont installés. Ils ne parlaient pas bien français, ont été bien accueillis, mais ont aussi connu l’antisémitisme dans un pays qu’ils ne connaissaient pas. C’est à eux que je pense aujourd’hui, mes amis des douze-treize ans d’alors, qui m’ont communiqué la connaissance de leur pays, de leur langue et de leur religion. C’est à eux que je pense, David, Adam, Sarah, Esther, Dove. J’en ai fréquenté, des bar mitzvahs, je peux le dire. Une connaissance et une passion qui ne m’a jamais quitté, comme ne m’a jamais quitté une passion pour tous les pays du Moyen-Orient à commencer par le Liban. Et un jour j’irai me recueillir sur le Kotel.
Le public ce soir ne voulait pas laisser partir l’orchestre philharmonique d’Israël, le vrai héros du jour. Ce concert aura été interrompu 4 fois (car aux trois occurrences que j’ai rapportées ici, il faut en ajouter une quatrième : un appareil électrique de sifflement déclenché par l’un des agités du bocal). Sur les figures reconnaissantes de ces musiciens face à l’attitude du public, on reconnaissait cette expression de ceux qui en ont vu et en verront d’autres, mais aussi une confiance que n’avaient pas leurs grands-parents quand en Europe et ailleurs ils étaient victimes de pogroms puis d’un réel génocide. Car eux, musiciens, sachant qu’ils ne sont ni soldats de Tsahal ni généraux, ne manient pas le fusil mais les archets. Et eux, contrairement à leurs grands-parents, ont une nation, ils sont donc confiants. Une nation dont ils sont fiers. Sans violence, sans provocation, sans la bave de la haine aux lèvres comme leurs ennemis de ce soir. Alors simplement, en reconnaissance pour le public qui s’est montré solidaire, et peut-être pour donner un peu plus de courage à tous les Juifs français aux regards tristes, en revenant sur scène, après déjà un premier bis (une œuvre d’Elgar), ils se sont mis debout, et ont joué la Hatikvah.
Un jour, les Palestiniens aussi auront leur État, leur hymne et leur fierté de n’être plus dominés par des terroristes. Pour l’heure, ce sont des musiciens, de simples musiciens qui se sont fait insulter et ont risqué leur vie, en 2025, à Paris, pour apporter de la pure beauté à d’autres êtres humains. Qu’ils soient remerciés de porter aujourd’hui une parcelle de la dignité humaine, qui n’a ni couleur, ni race, ni religion. Shalom, Salam.
Sir András en sa souveraineté poétique
J’avais déjà eu l’occasion d’expliquer pourquoi à mes yeux, András Schiff est avant tout un considérable styliste qui appartient à la famille d’une subtilité du phrasé et des temporalités différenciées. Le pianiste demeure éloigné de toute virtuosité gratuite, et son style apparaît dans sa beauté, à condition de considérer l’ensemble de sa discographie sous le sceau du questionnement, du pas de côté et d’une longue méditation sur la juste énonciation. Dans le répertoire beethovénien, la singularité de ce jeu si personnel apparaît avec d’autant plus de netteté que dans des sentiers déjà balisés, son approche de ce Concerto « L’Empereur » si généreux, foisonnant et modèle de la grande verve romantique, se différencie considérablement de tout ce qu’on a pris l’habitude d’entendre. Pianiste et pédagogue, on sent bien que chaque articulation n’est nullement fortuite chez lui et que rien, décidément, n’a été laissé au hasard. En général, le choix d’András Schiff est de jouer sur une science des accents qui lui est spécifique, n’hésitant pas en l’espèce, à modifier ce qu’une certaine tradition a pratiqué. Il s’agit, dans cette intention qui n’a rien de fortuit pour le répéter, de laisser entendre la phrase beethovénienne dans sa fluidité mélodique, en complément (et non au détriment) de sa virtualité rythmique. Ce qui donne, dans l’Allegro, un déplacement des accents traditionnels, mais aussi (et dès l’entrée si tonitruante du piano) un flux plus continu qu’à l’accoutumée. Dans ce premier mouvement aux allures si péremptoires de péroraison du discours, András Schiff se montre marmoréen comme à son habitude, mais ce n’est que pour mieux surprendre, dans une nouvelle distribution des accentuations. Cette esthétique de l’amplitude mélodique n’est donc jamais morne, elle est au contraire propice aux surgissements les moins prévisibles. L’adagio de ce concerto, qui est selon Saint-John Perse une musique du franchissement des seuils, permet au pianiste de déployer l’autre versant de sa singularité, à savoir une approche de la mélodie en elle-même, qui relève de nuances telles, qu’une poésie du temps s’en dégage – tout comme dans les interprétations de Schubert par le pianiste. Il y avait dans cet adagio ce je-ne-sais-quoi des étirements et des retenues tout à la fois, cette infinie sensibilité des chuchotements, cette très subtile science d’un énoncé franc mais discret, dont proviennent des émotions pures, devant l’une des plus grandes pages de Beethoven.
Dans le Rondo, on retrouvait ces particularités d’accentuations où le pianiste sculpte plus qu’il ne suit la convention, comme s’il avait voulu faire ressortir à nouveau le dynamisme rythmique qui de bout en bout, porte le déploiement du discours musical. En 6/8, quatre croches quasiment en « quinconce », formant le motif de base du mouvement, la cellule rythmique initiale pour parler en réel beethovénien, le tout se retrouvant exposé par cette science si spécifique d’András Schiff, en un ordonnancement nouveau : forte respecté sur le si initial, mais qui se retrouve en quelque sorte adouci par le chant élégant qui suit immédiatement. C’est ce qu’on peut qualifier en effet de nouvelle structure autant que nouvelle sculpture du rythme, qui à vrai dire s’appuie sur la dynamique interne de la scansion, pour l’exprimer sous des angles qui jusqu’alors ne faisaient pas partie de l’orthodoxie interprétative généralement pratiquée. De cette approche nouvelle, ressort non seulement une énergie renouvelée, mais de surcroît la même fluidité qu’on notait d’emblée dès l’amorce de l’Allegro. Face à la version de ce grand concerto romantisant de Beethoven, on est face à l’unité d’une esthétique du chant et d’une scansion rythmique renouvelée, et la transmission de la quintessence même de cette grande page en est incontestablement rehaussée.
En bis, après de multiples rappels et des applaudissements d’un public survolté et debout, après les événements ayant marqué le début du concert, et après ce risque physique assumé par un pianiste qui, sur toutes les scènes du monde qu’il fréquente constamment, n’avait jamais vécu un tel moment, en bis donc, la Valse en la mineur op. 34 n° 2 de Chopin (ci-contre, dans l’interprétation d’Arthur Rubinstein). Un toucher unique, un rubato très discret qui semble encore osciller entre la variation et la mesure, un balancement devenu à lui même un langage du spleen, tout cela était offert par András Schiff dans une atmosphère de recueillement qui était bienvenue en ce moment du concert, avant un entracte salvateur. Plus tard après l’entracte, on a vu le pianiste, fait rarissime, prendre place dans le public en orchestre, applaudi encore et semblant apporter finalement ainsi son soutien à l’orchestre, pour une deuxième partie qui fut en soi phénoménale.
La Cinquième de Tchaïkovsky magnifiée
Rien ne manquait à cette interprétation inspirée de la Cinquième Symphonie de Tchaïkovsky. Ni la profondeur des timbres (une profondeur des cordes notamment, qui fait sans doute du Philharmonique d’Israël un épigone de la haute tradition sonore des grands orchestres germaniques), ni la subtilité des vents, ni la rutilance des cuivres, et ni surtout cette suprême tension d’une intranquillité constante qui innerve de part en part cette symphonie qui suit un programme très personnel, presque le panorama de l’état d’une âme tourmentée. On peut le dire, cette interprétation de la symphonie s’inscrit dans la tradition de ses plus éminentes versions, habitées par le sens tragique qui ici irrigue une narrativité de la musique, un trajet heurté et difficile de l’ombre à la lumière.
La fatalité d’un profond état de désespérance était rendu par des vents qui savaient habiter l’énonciation du thème du fatum, repris, développé et ce jusqu’à épuisement comme il se doit, par un orchestre d’une énergie considérable. Très clairement, l’option adoptée par Lahav Shani était celle de cette surintensité presque idiomatique dans l’univers de cette symphonie, pour en faire ressortir un trajet d’agitation extrême – et cela se ressentait dès le premier mouvement (Andante – Scherzo) dessinant le désespoir et la marche inexorable du destin. Les mauvaises lectures de cette symphonie où tout semble outré (j’avais pu assister à une lecture caricaturale, par l’ONF très mal dirigé par une cheffe exécrable, Susanna Mälkki en décembre 2024 à Radio France) ne parviennent pas à faire ressortir ce que là nous avions à foison. Et je veux parler de ces oppositions tranchées d’une intériorité obsessionnelle (le thème récurent du destin, qui emprunte à la Cinquième de Beethoven dans sa cellule initiale de quatre notes – reprises jusque dans la dernière mesure du dernier mouvement) d’ailleurs revendiquée par l’« idée fixe », comme le Berlioz de la Symphonie fantastique. Lahav Shani sait galvaniser l’orchestre dans le sens même de ces contrastes prononcés et, vouant le « récit » (on peut risquer le terme ici) à un éminent combat contre l’ombre de l’âme que Tchaïkovsky lui-même savait être parfois manichéen dans sa partition, lui donnait tout son sens. Ainsi, dans les meilleurs interprétations de cette symphonie, les moments (rares) d’apaisement (voir la Valse du troisième mouvement en particulier) étaient si finement ciselés, que la sincérité de l’inspiration était omniprésente. Ce journal symphonique, ces confessions musicales d’un tourment réel et pré-suicidaire semblaient alors être motivés par une photographie psychologique éminemment personnelle. En cela aussi, le combat en question, qui domine le mouvement le plus agité, le Finale, ressortait avec d’autant plus de relief. On a souvent dit à raison, que devant cette agitation alors à son paroxysme du dernier mouvement, on est confronté à une certaine « artificialité » des accents conclusifs de triomphe. Et cela dans une certaine mesure peut être vrai, quand on mesure l’exacerbation du contraste qui sépare cet « optimisme » final, de tout ce qui précède. Mais voilà : l’enjeu réel, justement, d’une bonne interprétation de cette symphonie, est de bien y exprimer une trajectoire sinon un trajet manifeste, tout un processus donc, au terme duquel cette conclusion certes volontariste voire forcée, émerge dans le dernier tiers du Finale, dans tout son sens d’une affirmation. Et en ce sens, le travail minimaliste de nuances de l’amplification effectué par Lahav Shani auprès de l’orchestre, est exemplaire : ce quatrième mouvement est définitoire de l’itinéraire engagé par l’ensemble de la symphonie. Ce travail est à vrai dire à la fois paradigmatique dans le sens des nuances internes (ces piano / forte / fortissimo / sforzando – ménagés autant via les différents pupitres qu’en tutti, l’écriture même de ce dernier mouvement étant très dense en ce sens) et syntagmatique dans le sens de l’amplification de l’énonciation (crescendos, ampleur du timbre), de sorte qu’on est là face à une minutie considérable. Une minutie préparatoire entièrement mise au service de la puissance expressive de ce Finale qui, dans un sens profond, demeure tragique même dans son affirmation ultime. C’est ce qui d’ailleurs prépare l’avènement du testament symphonique autant que personnel de Tchaïkovsky, que sera la Sixième Symphonie, « Pathétique ». Et c’est tout cela que signifiait une interprétation aussi intelligente, aussi soignée et aussi puissante de cette Cinquième de Tchaïkovsky vue par Lehav Shani et l’Israel Philharmonic.
Dans les moments les plus forts et les menaces les plus dangereuses de l’histoire et de la vie elle-même, l’art est toujours le langage le plus visionnaire et le plus signifiant qui puisse se concevoir. Ce soir-là, rappelons-le sans la moindre exagération ni la moindre extrapolation, on a bel et bien frôlé une catastrophe. Car en dehors de la perversion qui a consisté en quatre interruptions d’un concert pour faire entendre des slogans ignobles, le risque a bel et bien été présent, et je veux le souligner. Ainsi, on sait qu’un fauteuil du premier balcon a bien pris feu, quand l’un des fumigènes brandis est retombé. Je rappelle que la Salle Pierre Boulez de la Philharmonie de Paris contient 2400 places. En cas d’incendie (potentiellement rapide avec des matériaux composites et du bois peint), la panique faisant, le public se précipitant vers les portes de sortie, aurait généré immanquablement un mouvement de foule, et ces éléments mis bout à bout, auraient très bien pu aboutir à une catastrophe. Dix ans après l’attentat du Bataclan, Paris aurait pu connaître en ce 6 novembre 2025, une nouvelle catastrophe, générée par le fanatisme, l’extrémisme et l’irresponsabilité de quatre délinquants. Voir cette réalité et ce risque bien en face et sans rien édulcorer, c’est être à même de prendre la juste mesure de ce qui s’est joué ce soir-là moyennant l’expression déchaînée de l’antisémitisme le plus radical.
Mais les symboles sont là, et je n’invente pas leur occurrence. Une catastrophe frôlée de peu, et un concert lors duquel furent tour à tour interprétés un concerto composé par Beethoven en 1808-1809, à Vienne alors sous les bombardements des armées de Napoléon – le compositeur luttant contre les atteintes de sa surdité pour faire de sa partition un acte de résistance ; et une symphonie composée en 1888 par Tchaïkovsky alors en proie à une désespérance ritualisée en dialectique de la lutte. Plus que jamais, l’adéquation du réel avec la transcendance pure de l’art fondent bel et bien une source étonnante de vision, par-delà les contingences. Pourvu que ces liens inextricables fournissent aussi à tous, le levier d’une lucidité supérieure : les catastrophes du passé ne demandent qu’à se reproduire. Mais ces liens veulent aussi nous suggérer ceci, qui est autant affaire de mémoire, de conscience que de détermination : suivant l’exemple d’anciennes luttes livrées en secret ou au grand jour (par ces compositeurs ou par des foules livrées au danger), nous ne serons à même, individuellement et collectivement, de résister aux menaces, que si nous les affrontons les yeux ouverts, la conscience claire et debout, comme nous l’avons été pour applaudir en ce soir d’automne, le pianiste poète et l’orchestre héroïque.
