Dans le monde de la musique, l’année 2025 est marquée en France par le centenaire de la naissance de Pierre Boulez. L’occasion de la reconduction tacite d’un certain discours, selon lequel le « tournant atonal » d’abord manifesté par le dodécaphonisme puis par les prolongements de l’écriture sérielle, était somme toute un moment tout à fait conventionnel de l’histoire de la musique au XXe siècle. À la faveur d’une célébration sans nuances aux allures de propagande de l’itinéraire et des réalisations de Boulez, et en taisant soigneusement ce que fut toute une part de cet itinéraire, tout se passe comme si cette ère n’avait pas été le moment d’affirmation d’un dogme. Il n’est pas excessif de le dire et de le constater : ce faisant, c’est bien à une falsification qu’on assiste.
Aujourd’hui, trente ans après le geste iconoclaste de Benoît Duteurtre et de son pamphlet décisif de 1995, Requiem pour une avant-garde dans lequel il attaquait frontalement l’idéologie de l’atonalité, nous rouvrons ici le dossier. En hommage à ce geste critique et dans son prolongement, dans l’intention d’une réflexion de fond qui visera l’écriture d’une nouvelle histoire de la modernité musicale, nous choisissons sans fard et sans le moindre souci des conventions et autres tabous, de réexaminer ce qui est advenu dans cette histoire de la musique occidentale dite savante au XXe siècle, à partir de l’avènement de l’écriture atonale. Nous mènerons ce dossier selon une modalité évolutive, en l’alimentant progressivement, dans l’optique d’une publication ultérieure en volume. En prohibant les polémiques et l’esprit de système, nous proposerons au gré de l’évolution de ce dossier, une analyse de fond, loin des diktats et à contre-courant des fausses évidences. Tel qu’il sera conçu, ce dossier constituera à peu de choses près, l’introduction à l’ouvrage à venir, qui en proposera les multiples développements adéquats, à partir des grandes orientations définies au cours de cette phase introductive.
